Homelie de l'archevêque de Bamako lors de la messe chrismale 2013

Prêtres, ministres témoins de la foi et de la charité à la suite de Jésus-Christ

Salutations

Bénissons le Seigneur. Il nous donne l’occasion de célébrer  la Messe chrismale par anticipation en ce jeudi 21.3.13.

Les 21 et 22 mars nous rappelle le coup d’Etat survenu il y a un an. Nous pensons à tout ce qui s’est passé dans notre pays de janvier 2012 à ce jour : les morts, les refugiés, les exactions de soutes sortes, viol, amputations, humiliations de toutes sortes, avec la volonté, la détermination d’imposer à toutes et tous la sharia.

Tout cela va contribuer au réveil des frustrations et des oppositions des rivalités internes dont le pays souffre encore aujourd’hui. Un aujourd’hui marqué par l’engagement de la communauté internationale  et régionale auprès des maliens pour neutraliser les envahisseurs.

Nous célébrons cette messe chrismale dans un pays en guerre. Comment vivre notre ministère sacerdotal dans un pays en guerre, à la reconquête de son unité, de la paix depuis un an ?

Oui comment nous comporter aujourd’hui en vrais disciples, apôtres, amis, frères et témoins de Jésus aujourd’hui au Mali. Comment aider nos communautés à vivre comme tels.

Vous savez mes biens chers frères et sœurs, le cœur de l’homme est plein de mystère. Il y est capable de tout. Il finit par s’habituer à tout. A force de voir des images, d’entendre des nouvelles sur ce qui se passe au Nord, nous pouvons finir par nous familiariser avec le mal, nous pouvons le banaliser et y être indifférents. Cela peut nous révolter, à réveiller en nous les démons de la haine, de la violence, de la vengeance, de l’exclusion.

Devant l’ampleur du mal, nous pouvons  nous reconnaitre impuissant et vivre dans la passiveté. Ni l’indifférence, ni la passiveté, ni la violence, la haine et la vengeance ne sont des remèdes appropriés et salutaires. 

Disciples, apôtres, amis, frères et témoins de Jésus, nous devons nous laisser comme lui animer par l’Esprit de Dieu ! C’est ce que nous venons de chanter : l’Esprit de Dieu repose sur moi,

l’Esprit de Dieu m’a consacré,

l’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer ni la haine, ni la vengeance, ni l’indifférence, ni la passiveté, mais la paix, la joie, la vie, l’amour. C’est ce que la Parole de Dieu proclamée par le prophète Isaïe et réalisée pleinement par Jésus nous révèle aujourd’hui. C’est la réponse de Dieu à notre interrogation :

Comment vivre notre sacerdoce dans le Mali d’aujourd’hui. Le Mali qui a célébré Noël et qui va célébrer la Pâques dans la guerre ?

Comment nous comporter comme des personnes envoyées pour apporter la bonne nouvelle aux pauvres ? Guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance, aux captifs la liberté ? Consoler tous ceux qui pleurent, redonner la joie à ceux qui sont en deuil ? Donner des habits de fête à ceux qui sont dans le désespoir, Faire recouvrir la vue , la lumière aux aveugles, participer à la transformation des cœurs de pierre endurcis, en cœur de chair fraternels ?

Transfuser dans les cœurs, en réponse à la haine l’amour

En réponse à l’offense  le pardon

En réponse à la discorde ; l’union

En réponse à l’erreur, la vérité

A la place du doute, la foi

A la place du désespoir l’Espérance

A la place des ténèbres, la lumière

A la place de la tristesse, la joie

A la place des ténèbres, la lumière.

L’accomplissement d’un tel ministère passe par notre attachement au Christ prêtre.

Ce que Jésus proclame aujourd’hui, c’est tout son programme de vie. Programme de vie dont la réalisation lui permet de rassurer les disciples de Jean Baptiste sur son identité.

En effet, étonné, dépassé par ce fait que son message sur la conduite du Messie, ne correspond pas à la vie et au ministère de Jésus. Il envoie ses disciples lui demander. Es-tu qui doit venir ou bien devons-nous en attendre un autre ? La réponse de Jésus est claire.

Allez dire à Jean Baptiste ce que vous voyez :

  • Les aveugles voient
  • Les sourds entendent
  • Les muets parlent
  • Les boiteux marchent
  • La Bonne Nouvelle est annoncée.

Bien chers frères et sœurs, replongeons –nous dans les  Evangiles. Nous découvrirons par nous même  la vérité de ce témoignage. Jésus guérit, Jésus  nous éduque par ses paroles et son exemple. Son action touche la personne humaine dans sa totalité. Le physique le psychique  le moral, le spirituel. Son action vise à étancher notre soif de perfection. Notre aspiration à devenir ce que nous sommes. Enfants de Dieu, Saints comme notre Père céleste est saint. Il faut pour cela que notre vie est notre ministère  soient échos fidèles, image de son appel à la perfection. Comme le Père céleste qui fait lever son soleil sur les justes et les injustes, qui fait pleuvoir sur les bons et les méchant.

Entendre ce message aujourd’hui, l’aujourd’hui du Mali en guerre. C’est nous sentir appelés à entrer  dans l’essentiel de la Mission de Jésus, de la vie et de la mission de Jésus. Nous réconcilier avec le Père, nous reconnaître  entre nous. Rétablir la paix avec Dieu et entre nous. C’est de cela dont nous avons besoin dans nos équipes sacerdotales dans nos secteurs et nos paroisses, dans notre Diocèse, dans nos campagnes et villes, dans le Mali tout entier.

Pour y arriver il faut accepter de nous laisser guider comme Jésus par l’Esprit. C’est  lui qui rendra fécond notre vie et notre ministère de prêtre. C’est lui qui fera le don des prêtres à la manière de Jésus Christ  au service d’un Mali en guerre pour recouvrir sa dignité.

Ce Christ dont l’Eglise va nous faire revivre  la dernière semaine de sa mission terrestre, semaine de sa passion, de sa mort. Pour nous les hommes et pour notre salut, et de sa glorieuse. Semaine qui va nous introduire  dans le temps pascal, marqué par la détermination  de Jésus ressuscité  à rassembler ses disciples, ses amis, ses frères, et témoins autour d’un double message , la Paix soit avec vous- Allez , je vous envoie soyez mes témoins.

Sa Parole est ses sacrements sont les trésors qu’il nous confie pour devenir ce qu’Il attend de nous et aider les autres à le devenir. Chaque jour, nous faisons l’expérience, de notre faiblesse, de notre incapacité, de notre indignité, Il le sait plus que nous. Et pourtant, Il nous rassemble aujourd’hui  pour nous redire comme à Pierre, m’aimes-tu ? Paie mes brebis !

Ma grâce te suffit.

Aussi j’accueille les cinq oui que chacun va prononcer aujourd’hui  et s’engager à nous aider à exercer les ministères de la Parole, des sacrements  pour la  sanctification du Peuple de Dieu  et pour votre salut !

En réponse à cet engagement du Christ, redisons avec joie et humilité : l’Esprit de Dieu repose sur moi, l’Esprit de Dieu m’a consacré, l’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer la paix, la joie !

                                                       

                                                                  + Monseigneur Jean ZERBO

                                                                  Archevêque de Bamako                                                                            

Message de l'Archevêque de Bamako pour la fête de NOEL

Bien chers frères et sœurs en Christ, la Paix soit avec vous !

Les années se suivent, mais ne se ressemblent guère, dit-on ! En effet, lorsque nous nous souhaitions les meilleurs vœux de Joyeux Noël et de Bonne et Heureuse année 2012, aucun de nous ne se doutait de ce que nous vivons depuis le 17 Janvier, début des épreuves dans lesquelles nous sommes plongés. Dieu seul en connait l’issue. 

A vrai dire, 2012 n’a pas été l’année du Mali. Depuis bientôt un an, notre pays est devenu tristement célèbre. Il offre quotidiennement aux médias du monde entier le type d’informations dont ceux-ci sont friands : Guerre, Coup d’Etat, Rébellion, Invasion des deux tiers du territoire par un mélange hétéroclite de groupes armés, tout cela accompagné de son lot de souffrances :

  • celles des réfugiés à l’intérieur comme à l’extérieur du Mali,
  • celles des populations restées sur place. Impuissantes, elles assistent ou subissent des exactions de toutes sortes : vols, viols, persécutions, mutilations, profanation des lieux de culte et de tombeaux sacrés, condamnation à mort. Du jamais vu !  
  • Le pays tout entier semble être possédé par les démons de la division qui entrainent la partition du Mali, les mésententes politiques, civiles et militaires.

Que de morts ! Que de veuves et d’orphelins ! Que de Blessés dans la chair et dans le cœur !

Ni Môgô ma sa, ko bè juru b’i là !

Depuis bientôt un an, notre cher pays piétine, tourne en rond, s’exténue en marches et meetings de toutes sortes. Les hommes et les femmes, embourbés dans leurs contradictions, mobilisent et immobilisent, incitent à la violence aveugle et meurtrière les pauvres populations en quête de sens à donner à tout cela.

Depuis bientôt un an, notre cher pays, le Mali, malgré les ultimatums de la communauté internationale et les aspirations du peuple s’essaye à une gouvernance précaire. En effet, en quelques mois, deux premiers ministres et trois gouvernements, - un véritable record -, sans compter ces rendez-vous manqués autours des concertations. Tout cela ne milite pas en faveur du sérieux d’un pays assiégé et dont la population commence à douter de la sincérité des gouvernants et de leur engagement désintéressé.

Les communautés internationales, régionales et sous régionales  font ce qu’elles peuvent, mais ne peuvent aucunement, à elles seules sortir le Mali de la situation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Beaucoup de proverbes du terroir disent que le responsable du deuil ne peut transférer cette responsabilité à une autre personne. Il faut s’assumer. La balle est dans le camp des maliens désormais, et il serait dangereux de différer indéfiniment les responsabilités qui sont les nôtre.

N’i ko aw ye n’dèmè ka wara faga

O k’a sôrô a kunkolo b’i yèrè bolo ! 

Devant une telle situation que nous faut-il faire ?

Ni môgô ma sa, ko bè juru bè i là ! Disent les bambaras. Combien sont nos compatriotes qui, au stade suprême du désespoir, regrettent d’avoir vécu trop longtemps pour assister à ce qui arrive ? « An ye an taa tuma jè » s’écrient-ils. Les vivants envient les morts.

Je n’oublierai jamais cet appel téléphonique d’un ainé. C’était dans la nuit du 30 Avril au 1er Mai. J’aurai souhaité que ce fût un poisson d’Avril. Il n’en était rien. Mon ainé epleuré me confiait ceci : « Petit frère, ne soit pas étonné si je t’appelle si tardivement. Je viens te demander un dernier service. Ne me le refuse surtout pas. Petit frère, au regard de tout ce que nous connaissons, au regard surtout de cet affrontement fratricide au sein des forces armées, An ye an taa tuma jè ! Les vivants envient les morts. Alors, vite entre en prière avec moi, et demande au Seigneur de ne pas me faire voir le soleil de demain, de me prendre auprès de lui avant l’aube ».

Ce cri de cœur m’a révélé la gravité de la situation de crise que vit notre pays.

 En effet, notre cher pays, le Mali traverse l’une de ses graves crises de son histoire. Devant cette situation, que devons-nous faire ? Devons-nous tomber dans le désespoir, au point de perdre la foi en nous-mêmes, en notre pays, et surtout en notre Dieu ?

Dans ce contexte, quel est le sens de Noël ? Quel message le petit enfant, emmailloté et couché dans la crèche, qui pourtant, est le prince de la paix peut nous apporter, nous croyants ?

Devant la gravité de la situation, on peut adopter4 types de comportements :

  1. Premier comportement : Le découragement, le désespoir : an tatuma tèmèna an kan ! on va jusqu’à souhaiter sa mort. On regrette d’avoir vécu jusqu’à être témoin de ce qui arrive. Alla m’an kissira o ma !
  2. Le second comportement, c’est l’indifférence : Ce qui arrive c’est l’affaire des grands, des politiciens, des militaires. Ils n’ont qu’à s’entendre et nous laisser tranquillement vaquer à nos occupations, rechercher notre pain quotidien.
  3. Le 3ème comportement, c’est l’attitude de va en guerre : la violence, combattre l’adversaire en face, définitivement avec cette question du nord. Une logique aux conséquences gravissime. Elle est nourrie par la sève du racisme, du régionalisme, du statut social, de l’intolérance religieuse et de l’opinion politique. Pas question de vivre ensemble dans le respect de nos différences fondamentales.
  4. Le 4ème comportement : il est inspiré par une conception dynamique de la paix. Elle est avant tout un don de Dieu. C’est pourquoi Jésus nous dit : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » Mt 5. Une telle paix est un ordre vivifié et structuré par l’amour : ainsi chacun ressent comme siens, les besoins et les urgences d’autrui. Il faut partager ses propres biens aux autres. La réalisation d’une telle paix dépend avant tout de la reconnaissance d’être  en Dieu, une unique famille humaine. Une telle paix n’est pas un rêve. Elle est possible. Elle est don de Dieu. Rien n’est impossible à Dieu. Elle exige la communion des cœurs. Des signes d’une telle paix nous en avons dans la situation que nous vivons. Je pense à la joie des enfants dans un camp de refugié. Je pense à la joie des enfants dans un camp de refugié ici à Bamako. Alors que les parents étaient tristes, préoccupés de l’avenir, les enfants qui se retrouvaient pour la première fois, courraient partout, riant, oubliant la fatigue du voyage. J’ai attiré l’attention des parents vers cette attitude des enfants en leur demandant de regarder l’avenir avec optimisme. Don do ni bèbè ban ko nyuma !

Le second signe qui m’a frappé, c’est l’accueil de la vie, les naissances dans ces camps de refugiés. Les nouveaux nés, y sont accueillis par tous et toutes. Ils apportent la joie dans le camp. Joie légitime. En eux on voit l’avenir, un avenir pas facile certes, mais un avenir de paix. Paix à la construction de laquelle, ils vont participer.  Alla ka u na kan diya.

Noël bien chers frères et sœurs, c’est justement l’accueil d’un enfant qui nous est donné. Chantons l’enfant qui nous est né, le fils de Dieu nous est donné Alléluia Alléluia

Chantons  joyeux Noël.

Au fils de Dieu venu du ciel

 Chantons Alléluia.

Noël, c’est la fête de l’accueil de cet Enfant au nom merveilleux EMMANUEL. Dieu avec nous. Il est pour nous, parmi nous, le signe par excellence, de l’Amour de Dieu.

Oui loin de nous rejeter, de nous abandonner définitivement à cause de nos péchés, de l’endurcissement de nos cœurs, Dieu parce qu’Il nous aime, nous donne son fils.

Pourquoi donc !

         Pour nous réconcilier avec lui

Pour nous réconcilier avec nous-mêmes

Pour nous réconcilier entre nous. Il est notre réconciliation, notre paix ! Merveilleux conseiller, Prince de la Paix, Dieu fort. Tels sont les noms que lui donne le prophète Isaïe. C’est lui dont nous célébrons la naissance à la fin d’une année ou les manifestations de la violence, de la haine, de la division ont ravivé  notre soif de paix d’entente et d’amour.

En effet, tout ce dont nous souffrons et dont nous allons continuer à souffrir, provient d’une conséquence grave, carence de la vitamine Amour.

Le racisme, la discrimination sociale, sous toutes ses formes ont pour nom, racisme, le manque d’Amour, or le premier commandement c’est l’Amour. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Jésus par sa vie, sa mort et sa résurrection, n’a vécu que selon celle loi. Elle nous procure la Paix, la paix don de Dieu.

Elle est la voie royale suivie par Jésus de sa naissance et sa mort. Accueillie et vécue pleinement, elle nous fait devenir ce que nous sommes. Fils de Dieu en Jésus.

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Notre comportement de fils de Dieu en ce temps de crise, Jésus nous le donne, il nous l’enseigne par son exemple, par sa parole.

En tout premier lieu, il nous recommande le jeûne et la prière. Car nous dit-il le démon que nous avons en face de nous est de taille. C’est le maître expert en division. Il ne peut être chassé que par la prière et le jeûne.

En effet, c’est par le jeûne et la prière que Jésus a triomphé de Satan qui lui promettait : Avoir- Pouvoir- et Renommé.

Nous sommes depuis le début des hostilités, mis dans cette première disposition- Daigne le Seigneur nous donner la grâce de la ferveur et de la persévérance.

 

La seconde attitude que nous recommande Jésus en ces termes : Vous avez entendu qui a été dit. Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.

Eh bien ! Moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs. Pourquoi donc Jésus nous invite t-il a agir ainsi. C’est dit-il afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Vous donc, vous serez  parfaits comme votre Père céleste est parfait ;

 

En cette fin d’année, marquée par les conflits de toutes sortes dans notre pays, conflits qui nous affectent à plusieurs titres et l’enfant qui nous est né, nous propose un choix. Il s’agit de l’imiter. En effet sa dernière prière sur la croix est une prière de pardon : « Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font Lc 23,34

 

Seul l’Amour nous rend capable d’une telle attitude. Cet Amour vrai, portrait de Jésus, nous est donné dans cette méditation de Saint François d’Assise. Nous pourrons en faire notre prière en cette période difficile.

Prière de St François d’Assise

Joyeux Noël

Bonne et Heureuse Année 2013

                                                                           + Monseigneur Jean ZERBO

                                                                              Archevêque de Bamako

Monseigneur Jean ZERBO,  Archevêque de Bamako.

Excellence Messeigneurs les évêques de la Conférence Episcopale du Mali et chers confrères dans l’Episcopat,

Excellence Monsieur le Ministre de l’Administration territoriale et des collectivités,

Excellence Monsieur le Ministre des Cultes,

Excellence Monsieur le Ministre de la communication

Excellence Monsieur le Gouverneur de la Région de Kayes,

Monsieur le Préfet du Cercle de Kita,

Monsieur le Sous Préfet de Kita,

Monsieur le Maire de la commune de Kita,

Messieurs les représentants des communautés musulmanes et protestantes de Kita,

 

Chers pèlerins, hommes et femmes,  vieux et jeunes, prêtres et consacrés,

La paix soit avec vous ! La paix soit avec vous ! La paix soit avec vous !

Oui la paix,  la première parole du Christ ressuscité à ses disciples. La paix  reflet de la dignité de l’Homme. Que cette Paix soit toujours avec vous !

Hier soir, de par la grâce de Dieu nous avons essayé de  suivre la consigne de Jésus, veiller  et prier !

Ce matin, c’est Lui qui nous rassemble dans notre Sanctuaire Marial. Que son très Saint nom soit béni pour ce qu’Il nous réserve au cours de ce pèlerinage, le 42ème en cette ville de Kita.

Venir à Kita, ne l’oublions jamais, c’est partir de chez soi pour un rendez-vous avec Dieu, un rendez-vous en ce lieu qu’Il a choisi comme berceau de notre Eglise.

C’est à Kita que Jésus Christ a été annoncé et accueilli pour la première fois au Mali. 18-19 novembre 1888, il y a 124 ans. L’année prochaine nous célébrerons le 125ème anniversaire. Alla ka o don jira an kéné la.

C’est à Kita qu’a été enseigné après accepté le Symbole de la Foi, le Credo, le je crois en Dieu, les 10 commandements et les autres prières des chrétiens. C’est à Kita que Marie, Mère de Jésus a été vénérée pour la première fois au Mali. C’est à Kita que la première messe  et les autres sacrements ont été célébrés. Heureuse cité par laquelle le Mali est devenu terre d’accueil de Jésus Christ.

Vous comprendrez alors pourquoi avec l’accord de la conférence Episcopale, nous allons faire de ce 42ème pèlerinage, l’entrée de notre Eglise dans l’année de la Foi décrétée par le Pape Benoît XVI.

Cela va nous aider à mieux comprendre et à mieux vivre le thème de notre Pèlerinage : En Jésus, Fils de Marie, notre Mère, Retrouve ta dignité.

Pour le Croyant, Pour le chrétien, parler de dignité, de l’honneur, signifie chercher à se placer du coté de Dieu pour comprendre ce que nous représentons pour Lui. C’est en ce que nous représentons pour  Dieu que nous retrouvons et comprenons notre  dignité.

A ce propos, la Parole de Dieu nous révèle que Dieu a couronné son œuvre créatrice en créant l’homme et la femme à son Image. Ainsi dès la création, la sainteté est inscrite comme projet de Dieu sur l’homme et la femme créés  à l’image du Dieu 3 fois saint. Il nous faut croire en cela et éviter que notre existence ne soit banalisée soit par nous-mêmes soit par les autres.

Dieu en tout cas, s’est engagé depuis la désobéissance d’Adam et d’Eve à restaurer en nous son Image.

Il l’a fait en parlant par les prophètes. Il l’a accompli en parlant par son Fils Jésus Christ Image du Dieu Invisible, premier né de toute créature : Il le présente comme son Fils bien aimé qu’Il nous invite à écouter.

Chers frères  et sœurs, en ces lieux, berceau de notre foi, approchons-nous de notre Mère Marie, pour qu’elle nous réapprenne, nous rappelle et nous explique les merveilles accomplies par Dieu pour nous révéler notre dignité de Fils de Dieu, d’être créés à son Image et à sa ressemblance. Qu’elle nous réapprenne notre profession de foi et les 10 commandements pour que nous découvrions les voies de la réalisation de notre dignité.

Ils nous révèlent en effet la passion de Dieu  pour nous et les chemins à suivre pour aller à lui !On ne peut définir et comprendre totalement, parfaitement la dignité de la personne humaine sans référence à ce qu’Il est pour Dieu et à ce que Dieu fait pour lui, et ce qu’Il attend de lui.

Oui la dignité de l’homme ne peut se comprendre qu’en le situant dans le plan de Dieu. Il est aimé de Dieu, qui l’a fait moindre qu’un Dieu et qui l’a établi sur l’œuvre de ses mains le couronnant de gloire et d’honneur. Ps 8

Aimés de Dieu, nous le sommes d’un amour plus fort que celui du père et de la mère pour leur enfant.

Telle est la conviction que le roi David, après avoir échappé à Saül et à son fils Absalam, exprime ainsi : « Si mon Père et ma Mère m’abandonnent, Yahvé ne m’abandonnera pas. » ps 27,10. Le prophète Isaïe abonde  dans le même sens : une femme peut –elle oublier son enfant ? Est-elle sans pitié pour les  fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi je ne vous oublierai pas. Vois, je t’ai gravé sur la paume de mes mains Is 49,14-16

 Ni wolo la sa la

 i na kè ki tièssiri, pourrait-on. Cet amour plus fort que celui de la mère et du père pour leur enfant, Dieu  nous l’a manifesté en nous donnant son Fils. Le credo est la prière exhaustive qui nous retrace ce que Jésus fait pour nous, tout ce que Dieu a réalisé pour nous rétablir dans notre dignité, celle des enfants de Dieu, à l’image de Jésus Christ

Il se présente  comme le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Il est celui qui vit, souffre et meurt pour ses amis. Il n’y a pas dit-il de grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

Alors à l’écoute des grands témoins de la foi, laissons l’Apôtre Paul réveiller notre foi en disant ce que représente pour lui, la vie, la mort et la résurrection de Jésus.

Chers frères et sœurs, nous sommes tellement habitués à entendre cela que nous finissons par le trouver banal.

C’est alors dit-il que nous étions sans force au temps fixé que le Christ est mort pour les impies. A peine en effet voudrait-on mourir   pour un homme juste, pour un homme de bien. Mais la preuve que Dieu nous aime c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs est mort pour nous Rom 5,6-8

En cette mort de Jésus, nous avons toute notre valeur aux yeux de Dieu. St Paul l’a compris aussi nous invite  t-il en ce lieu berceau de notre  foi à faire nôtre sa réponse à l’amour de Dieu. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous. Lui qui n’a pas épargné son propre fils, mais l’a livré pour tous !

Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, le glaive, selon le mot de l’Ecriture à cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour, nous avons passé pour des brebis d’abattoir. Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs  par celui qui nous a aimés. Oui j’ai l’assurance, ni mort, ni vie, ni anges ni principautés ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ  Jésus Christ notre Seigneur Rm 8,31-39.

C’est l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus qui sont la mesure de notre valeur. Nous valons 3 heures d’agonie. Bien plus, nous valons la vie entière de Jésus, car le Père a tant aimé le monde qu’Il lui a donné son Fils unique, telles sont les fondements de notre Foi :

 Mogo tè da mogo la gwansan,

 Mogo tè tigè mogola gwansan.

A fo min kera o tè dana kumbo.

 Alla ka do fara an Dana kan!

Chers frères et sœurs en Jésus Christ et en humanité. La foi sans œuvres est une foi morte, dit l’Apôtre Jacques 2. Aussi devons-nous comprendre que l’accomplissement de notre dignité de chrétien en cette période de crise aux multiples aspects que connait notre pays, passe par la connaissance et la mise en pratique des 10 commandements. Jésus les résume d’ailleurs en 2 commandements :

  • Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
  • Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Cela ne peut se faire selon la volonté de chacun, à partir de calculs et de considérations trop humaines.  Cela passe aujourd’hui par  la relecture de notre vie à la lumière du passage de l’Evangile que nous venons d’écouter.

Commençons par ce qu’il nous dit sur nos rapports avec Dieu. «  Tu ne feras aucun  serment. »

Hier  comme aujourd’hui, que de mensonges, que de fourberies, que de tromperies ne cherche t- on pas à cacher par notre promptitude à prendre Dieu comme témoin. Vieux, adultes, jeunes, enfants, jurent au nom de Dieu pour un oui ou pour un non.

Jésus remet en cause une telle habitude. Elle  banalise en effet nos relations ave Dieu. Pire encore elle manifeste que nous craignons les humains plus que Dieu. Celui qui sait tout, voit tout, le Tout Puissant. Il sonde nos cœurs et nos reins.

Alors,

Que notre langage soit clair.

Que le oui soit oui et le non soit non. En toute chose tu prononceras la vérité non seulement devant les humains, mais aussi devant Dieu. Nous deviendrons alors  un peu plus dignes de celui qui se présente à nous comme la vérité et la vie.

Avant on disait :

Ni sen yé i don, i bé bo

Ni da yé I don , I tè bo !

Aujourd’hui, tout le monde peut se tirer d’affaire en disant, kolo tè nen na !

Où allons-nous ?

Tu ne tueras pas !

Le second propos, de Jésus qui retient notre attention porte sur le respect de la vie humaine. Elle est sacrée. Oui la vie humaine est sacrée. En elle nous avons l’image de Dieu. Elle  n’appartient qu’à Lui.

Mais que constatons-nous aujourd’hui ? La banalisation, le mépris de la vie, humaine partout et à tous les niveaux : Avortement, Infanticide, fratricide, parricide, matricide,  meurtre politique, ethnique, religieux, économique, suicide même. Tout cela, ailleurs et chez nous, constitue des mépris graves de notre dignité, offense gravissime à Dieu qui nous a créés  à son image. C’est à lui que nous appartenons.

Soucieux de nous éduquer et par rapport à cette banalisation de la vie, , Jésus se place sur le terrain de la prévention. Il veut combattre le mal à la racine. C’est pourquoi, il dénonce,  met en garde contre la convoitise, la jalousie, la colère, les injures, les  rancunes. Ils se  cristallisent  en ressentiments  comme le mépris, la haine, pour finir hélas par l’irréparable, dans l’oubli et le mépris du fait que le seul maître de notre vie c’est Dieu. C’est à lui et à lui seul que nous appartenons. Il nous a fait et nous sommes à Lui

Libertinage et Divorce :

Nous vivons dans un monde biens chers frères et sœurs, qui se complait de plus en plus  à salir à bafouer la robe de la dignité humaine en mettant dans   le libertinage et le  divorce sa fierté. Alors Jésus élève la voix.

 Ses attitudes vis-à-vis de la femme adultère et de la samaritaine et de Marie Madeleine sont assez édifiantes.. Elles sont empruntes de respect, de compréhension et de pardon.

 Elles nous révèlent ce qu’est représente le corps humain selon le plan de Dieu

Depuis l’incarnation, avec Lui, nous découvrons que le corps est le temple de Dieu. Il n’est fait ni pour la fornication, ni pour le libertinage. Il est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le corps. Notre corps est un temple du Saint Esprit et dans ce Temple, il faut chercher à glorifier Dieu.

Du coup  nul ne peut  placer sa dignité dans des déclarations comme :

Ne ta ye né yérè yé

Min ma na ne diya ne bé o de ké !

Notre  vraie dignité alors consiste à vivre dans le respect de cette présence de Dieu de l’image de Dieu en nous et dans les autres. C’est ainsi que nous glorifions Dieu

►S’agissant du divorce son virus se repend de plus en plus. Il ternit notre dignité, affaiblit la société et ne facilite pas la bonne éducation des enfants.

Il y a quelques années une ancienne de la communauté me téléphonait.

C’était la veille de la fête de la Sainte Famille, Mon fils me disait-elle,

Wuli k i jo ! ni i ma wul k’i jo

Furusa bana de donlembè chrétien douw kono wuli k’i jo dè !

Depuis, j’ai pris la résolution de célébrer chaque samedi dans ma chapelle la Sainte messe pour les familles.

Nogoya bè minuw cela Alla ka do fara o kan

Guelèya be minuw kan . alla ko o nogoya

Minuw fana ka furu ko guèlèyalen bè, alla ka o nogo ya !

Interpellé à 2 reprises au sujet du divorce dont le virus gagne de  plus en plus de terrain, Jésus tout en comprenant les difficultés du vivre ensemble, rejette le divorce. Il ne le fait pas de manière arbitraire. Son attitude repose une fois de plus sur ce qui représente pour Dieu l’homme et la femme.

Tous deux crées a l’image de Dieu et à sa ressemblance sont appelés à vivre ensemble dans un lien d’amour qui sans cesse doit chercher à s’alimenter à la vraie source. L’amour même de Dieu. Ils doivent apprendre à s’aimer comme  ils sont aimés de Dieu. Bien plus, ils doivent apprendre à s’aimer comme le Christ aime son Eglise.

Très chers Frères et Sœurs. Nous comprenons du coup que c’est  par la prière et en priant les uns pour les autres, en laissant changer leur cœur de prière endurcie en cœur de chair par la grâce du Sacrement du Mariage que les époux peuvent faire de leurs conflits autant d’occasions pour se pardonner, se réconcilier non pas 7 fois, mais 77 fois 7 fois.  Tel est le défi que Jésus lance  à ceux et celles qui veulent vivre encore aujourd’hui dans le mariage de manière digne: la dislocation des foyers porte un préjudice très grave à la société, aux enfants à toute la société

Que Marie présente aux noces de Cana, visite aujourd’hui nos foyers pour y déceler et soigner les manques de vin qui peuvent ternir la dignité de  nos foyers.

►Œil pour œil, dent pour dent. Tu aimeras ton prochain. Tu haïras ton ennemi

►Rongée par les virus du divorce et du libertinage, notre dignité l’est aussi et surtout par deux autres virus plus dangereux que les premiers. Il s’agit de celui de la Vengeance, œil pour œil, dent pour dent, et de celui de la haine.  De tels virus détruisent toute la famille, le village, le pays, les nations.

Ben balisso o yé don kelen tomo yé !

Tu aimeras ton prochain, tu haïras ton ennemi !

 Où trouver l’antidote, le vaccin contre de tels virus entretenus par notre culture qui incite à rendre le coup pour le coup?

Levons les yeux  vers Marie Notre Mère. Elle nous invite à écouter Jésus son Fils. « Tout ce qu’Il vous dira faites-le Jn 2,5.

Que nous dit-il en ce jour et maintenant ?

 Deux recommandations

  • Aimez-vos ennemis
  • Priez pour ceux qui  vous persécutent !

Avec Lui, le réseau du prochain à aimer s’élargit, au point d’inclure non seulement les inconnus, mais aussi les ennemis, les persécuteurs !

Il n’en est pas question, sommes nous tentés de répondre. Pourtant, Jésus nous prend au sérieux et nous engage à sa suite dans 3 actions concrètes, positives.

D’abor la salutation, pas n’importe laquelle !

La salutation de la paix. Après sa résurrection

La paix soit avec vous, c’est sa première salutation. Une salutation adressée aux  groupes constitués par ses amis qui l’ont abandonné lors de sa passion.

Foli banan anw déni jonni cè, ni an bina wili ka ta oluw fo ko gnuman ?

An dembè tè datiguè ndala ani foli balyya yé dè !

Après la salutation sans aucune exclusion : l’Amour

Le partage et la solidarité, manifestés autour des besoins fondamentaux  matériels et spirituels. Il s’agit de donner

à manger à ceux qui ont faim,

à boire à ceux qui ont soif

de quoi se vêtir aux démunis

de quoi se soigner aux malades

Il s’agit de visiter les malades et les prisonniers

Et d’accueillir les sans abris, les refugiés.

Ce partage se fera  avec tous ceux et toutes celles qui sont dans le besoin, y compris les ennemis, les persécuteurs.

Enfin et surtout la prière : Si elle doit être faite pour toutes et tous, Jésus mentionne d’une manière spéciale les persécuteurs. Priez  pour vos persécuteurs. Nous pensons à nos persécuteurs, sans oublier toutefois que nous sommes aussi des persécuteurs

  • Le  contenu de cette prière c’est Jésus qui le donne. C’est le pardon
  • Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Une des dernières paroles de Jésus. Seul Celui qui pardonne vraiment,  peut vivre et mourir  dans la paix.

Mes biens chers frères et sœurs, nous venons d’entendre ce que Jésus nous recommande pour retrouver notre dignité.

Sa  référence, c’est la manifestation de la bonté de la sainteté de Dieu le Père. Il fait lever son soleil sur les méchants et les bons. Il fait tomber la pluie sur les justes et les injustes.

Jésus ne se comporte pas autrement. En effet, tous les bénéficiaires de ses miracles, d e sa prédication, de sa sagesse, ne l’ont pas suivi. Abandonné, renié, il l‘a été même par ses proches.

Crucifié, il implore le pardon pour ses persécuteurs, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui et dont nous sommes. « Père pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Ainsi c’est dans l’exemple de son Père et de lui-même que Jésus nous révèle notre dignité de fils de Dieu, nos titres de disciples, d’amis et de frères de Jésus-Christ.

►Mais comment cela se fera t-il ?

►Nous avons nos multiples mais, puisque ceci, puisque cela, nos réticences humaines, nos résistances, nos limites humaines. Comment cela se fera t-il ?

►Alors tournons-nous une fois de plus vers Marie, Mère de Jésus et notre Mère. Qu’elle nous entraine dans sa foi en la puissance de Dieu  que l’ange lui a révélée le jour béni de l’annonciation : « Rien n’est impossible à Dieu. »

Qu’elle nous obtienne  la grâce de faite tout ce que son Fils nous dit aujourd’hui : aimer ses prochains, priez pour ceux qui vous persécutent, afin de devenir  en Jésus et par Jésus, les dignes filles et fils de Notre Père du Ciel !

Il n’ya pas de voie plus sûre pour qu’advienne la paix et l’unité  dont nous avons faim et soif.

N’an dèssèra o la, o yé an dambè donin yé bogola . Nakun ma kè an la !

 

+ Monseigneur Jean ZERBO

   Archevêque de Bamako                                                                             

Voeux de l'Archevêque de Bamako au president de la republique

Excellence Monsieur le Président de la République ;

Monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités locales,

Monsieur le Ministre des Affaires Religieuses et du Culte,

Monsieur le Ministre de la Décentralisation et de l’aménagement du Territoire,

Mesdames et Messieurs les Membres du gouvernement,

Monsieur le Gouverneur du District de Bamako,

Monsieur le Maire du district de Bamako,

Très vénérables notabilités, représentant les familles fondatrices de Bamako,

Très Honorable frère El Hadj Mohamoud DICKO, Président du Haut Conseil Islamique du Mal et vénérables membres de sa délégation,

Révérend Pasteur Youssouf DEMBELE Délégué général de l’Association des Groupements des Eglises du Mali, et vénérables membres de sa délégation,

Distingués Invités,

Mesdames et Messieurs

Aw  bè ni sogoma !

Alla yé an si hèra la. Alla k’an tlé hèrè la !

Alla yan kafo fasso blomba ni kono hèrè la

Alla ka an fara hèra la k’an ségui so hèrèla !

A quelques heures de la célébration de la fête de Noël, fête qui commémore la naissance de Jésus Christ dans notre monde, je viens, Mr le Président de la République, avec une petite délégation, au nom de l’Eglise Catholique du Mali, vous présenter les meilleurs vœux de Bonne et Heureuse année 2013.

 

Excellence, Monsieur le Président de la République,

Depuis bientôt un an, notre cher pays, le Mali est devenu tristement célèbre. Il offre quotidiennement aux médias du monde entier le type d’information dont ceux-ci  sont friands : guerre,  coup d’Etat, rébellion, occupation des deux tiers du territoire par un mélange hétéroclite de groupes armés. Tout cela est accompagné de son lot de souffrances : exil pour nos compatriotes, vols, viols, persécutions, exactions de toutes sortes, destruction de monuments et profanation des tombes et des édifices religieux, et surtout des mis à morts de manières atroces.

Oh ! Dieu prend pitié de nous ! Notre terre s’est abreuvée de sang et s’est refermée sur tant de morts. Oh ! Seigneur Prends pitié !

En cette cérémonie de fin d’année, comment ne pas recommander au Seigneur, nos frères et sœurs du nord qui connaissent une année difficile ! Comment ne pas recommander au Seigneur, tous ces morts, ces blessés, ces orphelins, ces veuves, ces refugiés dont les familles sont affectées de façon particulière par la crise.

Alla ka hiné taabaw là

Alla kuw dayoro suma !

Alla ka kènèya di banabatow ma !

K’u ségui u yèrèma !

Minuw tara u kunfè, Alla kuw ségui so hèrè là !

Un temps de deuil national ne nous fera-t-il pas davantage prendre conscience de la gravité de ce que nous vivons ? Il nous guérira de nos indifférences, de nos ambitions, de la folie meurtrière qui s’est emparée de nous.

Excellence, Monsieur le Président de la République,

Depuis bientôt un an, notre cher pays piétine, tourne en rond, s’exténue en marches et meetings de toutes sortes. Les hommes et femmes politiques, embourbés dans leurs contradictions, mobilisent et immobilisent, incitent à la violence aveugle et meurtrière les pauvres populations en quête d’un sens à donner à tout cela.

 Depuis bientôt un an, notre cher pays, le Mali, malgré les ultimatums de la Communauté internationale, et les aspirations du peuple, s’essaye à une gouvernance précaire. En effet, en quelques mois, deux (2) premiers ministres et trois (3) gouvernements – Un véritable record -, ces rendez-vous manqués autour des concertations, tout cela ne milite pas en faveur du sérieux d’un pays assiégé et dont la population commence à douter de la sincérité des gouvernants et de leur engagement désintéressé !

Les communautés internationales, régionales, et sous régionales ont fait ce qu’elles ont pu. Elles ne peuvent aucunement, à elles seules sortir le Mali de la situation où il se trouve aujourd’hui. Beaucoup de proverbes du terroir disent que le responsable d’un deuil ne peut transférer cette responsabilité à une autre personne, il faut s’assumer. La balle est dans le camp des Maliens désormais et il serait dangereux de différer indéfiniment les responsabilités qui sont les nôtres.

Ni i ko ayé ndèmè ka wara faga, o ya soro, a kun bè i bolo !

Excellence, Monsieur le Président de la République

Au regard de tout ce dont le Mali a souffert et continue à souffrir encore, pour un temps dont Dieu seul connait la durée, nos attentes, celles de toutes les maliennes et de tous les maliens et de leurs très nombreux amis à travers le monde, se retrouvent dans ce mot à quatre lettres : P A I X ! – Hèra, Lafia

Alla ma hèra kèra an yé, Alla ka jamana bassigui. Alla ka jamana lafia, ni o tè do kèra sa dé ! Jiguiw bè ka missen ya !

C’est pourquoi, je voudrais souhaiter, à vous, à votre famille et à tout le peuple malien, beaucoup d’espérance et de confiance en Dieu et en Dieu seul.

     Excellence, Monsieur le Président de la République,

Nous aspirons de tout cœur à la Paix.

« Heureux les artisans de paix ; car ils seront appelés Fils de Dieu », nous dit Jésus.

  1. Mais comment instaurer la Paix dans un Mali, où le paraître est en passe de l’emporter sur l’être ?
  2. Comment instaurer la paix dans un Mali, où l’alliance sacrée entre l’avoir et le pouvoir est en passe de l’emporter sur toutes les valeurs morales et sociales ? La fin justifie les moyens ?
  3. Comment instaurer la paix dans un Mali en passe de devenir une jungle, où la raison du plus fort, du plus riche, du plus rusé est toujours la meilleure ?
  4. Comment instaurer la paix dans un Mali en passe de devenir un milieu florissant d’affaires de toutes sortes : trafic d’armes et de drogues, prise d’otages et sacrifices humains ?
  5. Comment instaurer la paix dans un Mali en passe de devenir ce pays, où tout se vend, tout s’achète : diplôme, contrat d’embauche, note d’avancement professionnel, grades, titres fonciers, passation de marché, etc. ?
  6. Comment préserver la paix dans un Mali, où le fondamentalisme et le fanatisme se sont manifestés en mutilant, en châtiant, en opprimant et tuant l’homme, soit disant pour honorer et glorifier Dieu, qui, pourtant, nous dit : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » ?
  7. Comment rétablir la paix dans un Mali qui vit la partition de son territoire, les mésententes politiques, civiles et militaires ?
  • Comment instaurer la paix dans un tel Pays ?

Il s’agit de la paix véritable, celle qui nous vient de Dieu. Elle est structurée et vivifiée par l’amour qui, non seulement, nous fait ressentir comme nôtre les besoins et les exigences des autres, mais aussi qui nous fait vivre avec les autres et pour les autres.

Excellence, Monsieur le Président de la République,

Nous sommes conscients que vous êtes en période transitoire et que tous ces maux ne sauront être résolus pendant ce temps, vu les mandats qui sont les vôtres et ceux de votre Gouvernement.

C’est pourquoi, permettez-moi de vous souhaiter, de pouvoir faire face aux deux défis que tout le peuple malien connaît qui sont les siens avant d’être les vôtres et dont vous avez aujourd’hui la lourde responsabilité. A ce sujet, nous sommes heureux des différentes avancées constatées dans les pourparlers en vue de la libération du Nord  et  la perspective qui s’ouvre de voir une vraie révision du ficher électoral pour assurer des élections transparentes en 2013 et en 2014 (communales) afin de faire face à des réformes institutionnelles de fond.

Permettez-moi, donc, de vous souligner l’impérieuse nécessité d’assurer la tranquillité et la sécurité pour le Malien qui, à tout moment, peut voir sa vie basculer.

Permettez-moi, aussi, de vous signaler que malgré une pluviométrie abondante, des poches de crise alimentaire persistent, des inondations ont causé des pertes et les éternelles querelles du foncier avec leur cortège de victimes subsistent un peu partout.

Excellence, Mr le Président,

Mais plus que tout, je voudrais signaler une situation explosive, si on n’y prend pas garde : Le désœuvrement de la jeunesse. Oui, la jeunesse, notre jeunesse. Nos élèves et étudiants, nos jeunes ruraux ne savent plus s’ils possèdent une patrie. Cette catégorie de réfugiés et de déplacés plongerait le pays dans une situation encore plus dramatique que celle dans laquelle nous sommes.

Si tous les autres aspects sont du présent ou du futur proche, l’avenir du pays se trouve dans ce que nous réserverons à nos enfants. Toute gestion doit donner un avenir à notre jeunesse ! Prenons garde que cette jeunesse, notre avenir ne soit pas la sacrifiée de notre Démocratie.

Excellence, Monsieur le Président de la République,

Malgré tout cela, laissons nos cœurs vibrer de confiance et d’espérance en Dieu. Dieu est miséricordieux. Il nous aime malgré nos atteintes graves à la vie et à la dignité de l’homme qu’Il a créé à son image et à sa ressemblance. Il changera nos cœurs de pierre et en cœur de chair.

Oui ! Dieu nous aime. Il aime le Mali. Il nous en a donné des signes forts. J’en ai retenu 7, chiffre parfait symbole de l’égalité et de la complémentarité entre l’homme et la femme.

Cè bèrè yé saba yé

Musso bèrè yé nani yé

1er signe :

Le premier signe de Dieu, je le trouve dans le contraste entre  notre comportement  et celui de Dieu, spécialement durant la  dernière saison des pluies. Malgré les inondations par-ci par-là.

An tun fama na ni samien nyogon ma !

K’an to mugu ci ba la, nyogon dogoya ani nyogon sibanli la, Alla ma sanji tigè an an ! O ma kè ni san peren yé wa a ma kè ni san finyé ba yé ! An tè sabali ?

Tandis que nous semions la terreur, la haine, la mort, Dieu arrosait notre terre, et ce gratuitement. Il a semé la vie, le bonheur pour tous, les justes et les injustes !

A barika Alla ye !

An ka sabali ! An ka sabali dè !

2ème signe :

Dieu nous aime. Il nous demande de l’imiter :

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout cœur et de toute ton âme et de toute ta force ! Tu aimeras  ton prochain comme toi-même !( Mt 22,37-39).

Excellence, Monsieur le Président,

Le drame que nous connaissons a suscité un grand élan de solidarité  et de partage tant au niveau national qu’au niveau régional et international !

A barka Alla yé !

Cependant, il nous appartient de veiller à la bonne gestion des dons reçus. Si hier ceux de notre génération ont entendu parler, des 4 V= Villas, Voiture, Verger, Virement, de la grande sécheresse des années 70. Plaise à Dieu que l’on ne nous fasse les mêmes  reproches : les 4 V du conflit du Nord !

K’i bugu dèssè batow ani kolibatow ni yoro kan

O mandi Alla yé dè !

Alla k’an dèmè ka O kèlè !

Fantanw ni yoro ki bugu o kan, o fana mandi Alla yé dè !

3ème signe :

Dieu nous aime. Son Esprit de Sagesse nous le fait découvrir dans un 3ème signe, celui de former un peuple, un but, une foi.

Le renforcement d’une telle conviction, d’une telle volonté, n’a jamais été aussi remarquable qu’en ce temps de conflit. Dans toutes les déclarations, en effet l’option pour un Mali Uni et indivisible, l’intégrité territoriale est reconnue comme non négociable.

Puissent nos actes et nos paroles de chaque jour au nord, au sud, à l’Est et à l’Ouest dans nos villes comme dans nos villages, témoigner de la sincérité de nos déclarations.

4ème signe :

Dieu  nous aime. Il nous appelle à vivre ensemble dans un Mali pluriel. Un pays qui se veut respectueux des libertés fondamentales, spécialement la liberté religieuse. La laïcité est une option irréversible. Cependant, elle n’est jamais acquise une fois pour toute. Il appartient à chacun et à chaque génération de s’éduquer et d’éduquer à promouvoir la liberté et la laïcité.

Plaise à Dieu, de nous aider à faire du tout nouveau ministère des affaires religieuses et des cultes, une structure appropriée pour une telle mission.

5ème signe

Dieu nous aime ! Oui ! Dieu nous aime malgré nos oppositions, nos refus du dialogue, nos révoltes parfois violentes. C’est lui-même qui, par sa sagesse, a guidé et continue de guider toutes les négociations et rencontres nationales, régionales et internationales pour nous conduire quand et comment Il le voudra vers la Paix.

Alla m’an tora Alla ko !

6ème signe

Dieu nous aime ! Il nous a créés à son image et à sa ressemblance. Pour protéger et défendre cette image, il nous a donné 3 secrets pour lutter contre les forces du mal, Satan:

- Le jeûne

- La prière

- Le sacrifice dans l’observance de la volonté de Dieu.

Puisse lui-même purifier et raviver notre ferveur et notre persévérance, dans le jeûne, la prière et le sacrifice dans l’observance de sa volonté !

7ème Signe

Dieu est amour !

Le 7ème et dernier signe de son amour, nous l’avons dans cette prière de Jésus sur la Croix. C’est une prière de pardon : « Père pardonne-leur,  car ils ne savent pas ce qu’ils font » Lc 23,34.

Monsieur le Président,

Lors de votre retour au pays,  vous nous avez apporté le même message : « Je pardonne à mes agresseurs ». Ce pardon, si j’ai bonne mémoire, les responsables des Partis RDA et PSP se l’ont donné dans une cérémonie émouvante, dont j’ai été personnellement témoin. C’était au CICB, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de notre Indépendance. A cette même occasion, le tableau scénique au stade Modibo KEITA se terminait par cette phrase : Seul le pardon est grand !

Tout cela, pour dire, Mr le Président, que tous nos rêves, nos ambitions de prospérité, d’unité et de paix pour le Mali passent par le pardon et la réconciliation des cœurs. Est-ce trop nous demander Monsieur le Président, de nous pardonner mutuellement ?

Alla k’an son ben ani sabalila

Dan té digné na sabaliko

Plaise au Tout Puissant, de vous accorder à vous, à vos conseillers, au Premier Ministre et ses collaborateurs, aux leaders politiques et religieux, aux responsables de la société civile, à tous les maliens et maliennes, sa Sagesse, pour que le Mali retrouve au plus vite la paix et l’unité, au cours de la nouvelle année 2013.

An ye min ye ngninan, Alla ma an kisira o ma san coura nata kono.

Alla ka jamana basigi kelenya, ani badenya, ani hera la!

Si ani kènèya Alla ka o di ma !

                                                                            + Monseigneur Jean ZERBO

                                            Archevêque de Bamako